Macky Sall a-t-il décidé tout seul comme un grand de renoncer à une troisième candidature en 2024 ? L’a-t-il fait contraint et forcé sous la double pression de la communauté internationale et des forces démocratiques sénégalaises ? Peu importe ! Du flot de commentaires, élogieux pour la plupart, que cette décision a suscité, c’est encore une fois, Alioune Tine ancien président du Raddho (réseau africain pour la défense des droits de l’homme) et fin connaisseur du bourbier politique africain qui a le mot juste : « délivrance ». Délivrance pour le Sénégal qui a là une occasion unique de revenir à une vie politique apaisée, délivrance pour tous ceux qui en Afrique, malgré les braises du moment, croient encore au triomphe de la démocratie !
Le pays de Senghor confirme malgré les violences qu’il vient de subir, le raffinement de ses mœurs politiques et sauve in extremis sa réputation d’exception dans une région ravagée par la persistance des dictatures.
L’alternance, véritable nœud gordien
Délivrance, certes, mais délivrance ponctuelle, délivrance momentanée qui ne doit pas nous faire oublier que le départ salutaire de Macky Sall ne résout pas le fond du problème. La question de l’alternance au pouvoir, ce cancer de l’Afrique, reste entière et il serait dangereux de n’y voir qu’une simple formalité administrative. Élection après élection, nous constatons que nous nous trouvons face à un sérieux problème, que dis-je, un nœud gordien que nous devons trancher le plus vite possible. Il ne suffira plus de mentionner dans la Constitution la limitation du nombre de mandats présidentiels. Il faudra l’accompagner d’une batterie de garde-fous. Pour commencer, il faut enlever au président de la République le droit souverain de modifier la Constitution. Ce privilège devrait revenir à une autre institution, voire suivre une procédure plus complexe où jouerait pleinement le système du contrôle et du contre-pouvoir.
L’exemple de Madagascar
L’idéal serait d’ailleurs que le président sortant ne s’occupe d’aucune question électorale. À ce propos, Madagascar a eu une géniale idée : le président s’en va dès la fin de son mandat, ce qui fait du candidat potentiel un candidat comme un autre. La période électorale est administrée alors par une personnalité neutre, ce qui réduit considérablement les risques de récidive et de fraude.
Comment améliorer les institutions des États africains ?
Le monumental échec de l’Afrique porte un nom : le pouvoir personnel. Personne ne parviendra à évaluer son coût économique et humain. Pour le combattre, il ne nous suffira pas de prescrire des institutions un peu comme le médecin prescrit des ordonnances. Il nous faut trouver les moyens coercitifs de les faire appliquer. Il faut criminaliser le tripatouillage institutionnel. Changer de Constitution comme on change de chemise n’est pas seulement un acte d’indignité, c’est un crime contre l’État, justiciable devant les plus hautes juridictions et passible de la plus lourde peine. Sacralisons nos institutions ! Ce sont elles le véritable État et non l’effigie de tel ou tel individu.
Après avoir entretenu un flou fort dommageable pour son pays, Macky Sall sort finalement par la grande porte d’autant que de l’avis même de ses opposants, son bilan économique n’est pas mauvais. À Abidjan, le bilan d’Alassane Ouattara n’est pas mauvais non plus (le président ivoirien est même l’un des meilleurs que nous n’ayons jamais eus) mais basta, cela ne lui donne pas le droit d’exercer un troisième mandat. Le troisième mandat, c’est de la folie, le troisième mandat, c’est la peste ; le troisième mandat, c’est niet même pour les excellents présidents !
Avec Le point