Deux jours après le coup d’État qui a balayé le régime de Alpha Condé, son principal opposant, Cellou Dalein Diallo, s’est exprimé. S’il n’a pas caché son soulagement, l’homme n’a pas non plus fait économie de son inquiétude. Laquelle inquiétude se justifie bien au regard de l’histoire récente du pays.
Sa toute première intervention depuis les événements du 5 septembre 2021 avait été pour démentir des rumeurs qui faisaient état de son arrestation dans le sillage du coup d’État perpétré en Guinée. « Des rumeurs persistantes faisant état de mon arrestation circulent sur les réseaux sociaux et dans certains médias. Je tiens à préciser que je suis libre de mes mouvements et ne suis ni recherché, ni arrêté », avait indiqué Cellou Dalein Diallo, dans une publication sur ses médias sociaux.
Ce mardi, il se prononce plus largement sur le putsch, au micro de RFI. Comme beaucoup d’autres Guinéens, l’ancien Premier ministre ne cache pas sa joie face au renversement de Alpha Condé. « Je suis soulagé parce que l’armée nous a débarrassés d’une dictature. Alpha Condé s’est emparé du pouvoir en modifiant la Constitution et en violant son serment », déclare-t-il.
Pour l’opposant, le Président déchu avait conduit le pays dans une situation sans issue : « c’est un hold-up électoral qu’il (Alpha Condé, ndlr) a opéré, le 18 octobre dernier, si bien qu’il n’y avait plus d’issue ».
Une joie teintée d’inquiétude
Tout en saluant le coup d’État, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) fait preuve de prudence. Il se dit inquiet « parce que d’habitude, lorsque les militaires viennent au pouvoir, ils restent plus longtemps que prévu ». Puis il poursuit : « C’est vrai que l’exposé des motifs du coup de force était pertinent. Ils ont touché tous les griefs qu’on a souvent dénoncés contre la gouvernance de Alpha Condé. Mais pour l’instant, ils n’ont pas décliné d’agenda, en termes de calendrier, en termes de temps pour l’organisation des élections et la mise en place d’institutions légitimes par l’organisation d’élections transparentes et crédibles ».
L’inquiétude du leader de l’opposition guinéenne n’est pas sans fondement puisque dans l’histoire de la Guinée, depuis son indépendance, chaque incursion de l’armée dans l’arène politique a toujours fini par décevoir les attentes. Le 3 avril 1984, le colonel Lansana Conté avait interrompu l’intérim de Louis Lansana Béavogui pour s’installer au pouvoir. Très vite, les belles promesses d’instauration d’un régime démocratique renforcées par la libération de 250 prisonniers politiques et le retour de 200 000 exilés guinéens, se sont envolées pour laisser place à une dictature implacable qui régenta le pays pendant vingt-quatre longues années, et qui ne prit fin qu’avec la mort de Lansana Conté, en 2008.
À peine Lansana Conté est-il décédé que le capitaine Moussa Dadis Camara s’empara du pouvoir, promettant comme son prédécesseur, des élections libres et transparentes auxquelles aucun membre du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) qu’il présidait n’allait participer. Au fil du temps, l’appétence du capitaine pour le pouvoir devint évidente. Il dut abandonner, de guerre lasse, après une tentative d’assassinat contre sa personne.
Au regard de ces antécédents, les regards sont tournés vers le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya pour voir s’il fera mieux que ses frères d’armes.
A.M.D (avec RFI)