Dans mon livre titré, La Guinée locomotive des indépendances africaines, édité en juillet 2017 par les Éditions Harmattan (Sénégal), j’ai réfléchi sur les relations guinéo-françaises. Il est dit dans plusieurs pages de ce livre tout ce qui a caractérisé les relations guinéo-françaises depuis la lutte pour l’indépendance jusqu’à l’admission de la République de Guinée à l’Organisation des Nations unies (Onu).

En résumé, depuis 1958, les relations ont été des plus tendues, soutenues par des politiques d’isolement et de sabotage économique de la part de l’ancienne métropole qu’a été la France. En 1974 et 1975, les réconciliations guinéo-allemande et guinéo-française ont eu lieu sous l’égide des Nations unies. André Lewin, diplomate français à l’Onu, en a été le principal artisan. Il a été par la suite nommé ambassadeur de la République française à Conakry.

De Charles de Gaulle (8 janvier 1959 – 28 avril 1969) à Georges Pompidou (20 juin 1969 – 2 avril 1974), c’est la même famille politique française qui a présidé aux destinées de la France. Rien d’étonnant que ce soit la politique gaulliste qui ait prévalu dans les rapports franco-guinéens : le rejet pur et simple de la Guinée. Georges Pompidou a été plus intransigeant que le général dans le sabotage de l’indépendance guinéenne. Tous les deux avaient le même homme de main, Jacques Foccart.

L’arrivée de Valéry Giscard-D’Estaing (27 mai 1974 – 21 mai 1981) a marqué un tournent décisif dans les relations franco-guinéennes. En effet, les réconciliations sous l’égide de l’Onu aidant, la France a procédé à des dédommagements et opéré des financements qui ont auguré une coopération dynamique et féconde. La Guinée a même pu négocier son appartenance au Groupe des pays Afrique-Caraïbe-Pacifique (A.C.P.) dans le cadre des Conventions de Lomé.

Malgré les soubresauts liés à la conquête de la démocratie et aux pouvoirs de François Mitterrand (21 mai 1981 – 17 mai 1995), Jacques Chirac (17 mai 1995 – 16 mai 2007) et Nicolas Sarkozy (16 mai 2007 – 15 mai 2012), les relations franco-guinéennes sont restées avantageuses pour la Guinée qui a reçu de l’aide.

Il a fallu attendre l’arrivée de François Hollande au pouvoir pour que les dirigeants guinéens de la IVème République se sentent mieux soutenus et plus écoutés par la France. Les dirigeants des deux camps se connaissant mieux, toute velléité de mettre les bâtons dans les roues des autres était écartée. La Guinée pouvait compter sur la France en cas de coup dur.

Pendant que les dirigeants des pays limitrophes (nos frères d’histoire, de géographie et d’intérêts économiques) nous ont fermé leurs frontières à cause de la crise de la fièvre hémorragique à virus Ébola, la France a occupé massivement le terrain par l’envoi d’experts sanitaires, de chercheurs de haut niveau en la matière, de médicaments, de moyens de protection, de matériels roulants, de laboratoires, etc.

L’arrivée du président de la République française, François Hollande, à Conakry (le vendredi 28 novembre 2014), pendant cette crise alors qu’experts étrangers, coopérants, hommes d’affaires, touristes, etc. prenaient la poudre d’escampette, a bien marqué les esprits des patriotes guinéens. Cette visite de compassion et de solidarité agissante a appelé à un nouveau regard sur la France du XXIème siècle.

Il a été le premier Chef d’État occidental à se rendre dans l’un des pays touchés par l’épidémie de la fièvre hémorragique. « Nous avons le devoir de vous soutenir » dans « l’épreuve que votre pays traverse », a déclaré François Hollande. « Nous sommes ensemble dans la lutte » contre le virus Ébola. « À Dakar, je lancerai un appel à la mobilisation internationale », a indiqué le président français.

Au temps de Hollande, la France a été un pays ami de la Guinée. Elle a été parmi les tous premiers bailleurs de fonds du pays. Seulement, l’histoire des relations franco-guinéennes montre bien que l’amitié des deux pays a été beaucoup plus fonction des humeurs des Chefs d’État que des intérêts des États eux-mêmes.

L’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française a marqué un autre tournant dans les relations guinéo-françaises. En effet, même si l’aide a été maintenue et il n’y a pas eu de complots ourdis dans lesquels le Gouvernement français soit impliqué, force a été de remarquer que les deux États ont été méfiants l’un à l’égard de l’autre, distants l’un de l’autre.

L’appréciation des résultats de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 par le Président français et surtout la comparaison de cette élection avec celle de la Côte d’Ivoire a montré, s’il en était encore besoin, que le président français préfère le diable à la Guinée.

« Je pense que la situation est grave en Guinée pour sa jeunesse, pour sa vitalité démocratique et pour son avancée », déclare Macron, en regrettant qu’Alpha Condé ait « organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir ».

Par contre, il a légitimé le fait qu’Alassane Ouattara a gardé le pouvoir en Côte d’Ivoire (un troisième mandat) quand il a déclaré « penser vraiment » qu’Alassane Ouattara, 78 ans, « s’est présenté par devoir » à la présidentielle du 31 octobre alors qu’il ne le « voulait pas ». Notons que la Constitution ivoirienne a été changée pour un troisième mandat de Ouattara (Macron ne l’a pas dit) et le pays a connu une escalade de la violence avec des dizaines de morts bien avant l’élection du 31 octobre 2020 (Macron n’en sait rien, il n’a pas regardé la télé ivoirienne).

En plus, « la France n’a pas à donner de leçons » à la Côte d’Ivoire. « Il appartiendra au président Ouattara de définir les termes d’une vie politique pacifiée. Il devra sans doute faire des gestes d’ouverture dans la composition du prochain gouvernement, ainsi qu’à l’égard des jeunes générations des partis politiques », a estimé Emmanuel Macron. « Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 35 ans, il serait bon que le prochain président ait moins de 70 ans » a pensé le président français.

La France n’a pas de leçons à donner à la Côte d’Ivoire mais elle a fait des remontrances à la Guinée. Quelle politique de deux poids deux mesures ? Encore une fois, le Président Macron a bien montré qu’il n’a aucun égard pour la souveraineté de la Guinée. Ce comportement n’a pas surpris parce qu’il m’a semblé plus gaulliste que le général De Gaulle. Il a tété dans les seins de sa mère patrie, la France, le venin de la haine pour la Guinée.

Que répondre au Président Macron ?

La cohésion face à ceux qui imposent au pays une pauvreté intentionnelle en dilapidant les biens, en personnalisant les services et en accaparant les affaires de l’État de Guinée.

Les Guinéennes et les Guinéens doivent s’accepter pour mettre en valeur ensemble ce que Dieu, Le Miséricordieux, leur a donné plus qu’à tout autre Ouest-africain pour leur bonheur matériel, physique et moral. Les Guinéennes et les Guinéens doivent être capables de minimiser ensemble ce qui les divise pour maximiser ensemble ce qui les unis.

 La division des populations pour des raisons politiques a pour conséquences, au bout du compte, comme l’a si bien dit le Cardinal Monsengwo dans son Sermon du 25 décembre 2017, en République Démocratique du Congo : « … on se nuit collectivement, on s’autodétruit par notre incapacité à nous élever au-dessus de nos propres personnes pour travailler en équipe et pour faire partie de quelque chose de plus grand, de plus noble, de plus solide et de plus durable. »

Pour mieux répondre au président français, la République de Guinée doit s’assumer en respectant la volonté populaire exprimée le 20 mars 2020 par l’adoption de la nouvelle Constitution et l’élection du 1er président de la Vème République, le 18 octobre 2020. Aucune menace ne doit intimider les dirigeants de la Vème République, aucune pression ne doit les faire fléchir dans l’application de l’expression libre de la volonté de la population de l’État de Guinée.

Pour davantage bien répondre à Emmanuel Macron, j’ai conseillé le changement qualitatif dans la composition des gouvernements et la responsabilisation des femmes et des jeunes dans la gestion de l’État de Guinée. Ce changement et cette responsabilisation sont nécessaires aujourd’hui plus qu’hier pour l’État de Guinée. Nous devons avoir le sursaut de conscience du citoyen et le courage du politique visionnaire pour vaincre l’assoupissement, le suivisme inconscient, le clientélisme, etc.

En effet, « Il est temps de mettre les femmes à l’épreuve en leur confiant de lourdes responsabilités. Les jeunes filles comprendront qu’en étudiant elles pourront assumer les mêmes responsabilités elles aussi. Le regard sur les aînées devient un levain, un stimulant pour celles-ci qui seront les mères de demain ».

La responsabilisation des jeunes est évidente dans la mesure où, comme l’a dit l’autre : « À chaque génération ses responsabilités particulières. À chaque phase de son évolution, le Peuple doit déposer à la gare quelques bagages vermoulus et embarquer de nouvelles valeurs pour amplifier sa confiance en l’avenir, décupler son dynamisme dans l’action. »

Le changement qualitatif dans la composition des gouvernements saute à l’œil et reste une nécessité absolue parce que, ce qui ne doit pas manquer d’être signalé fort, depuis le 3 avril 1984, ce sont quasiment les mêmes qui nous font naviguer à vue. Pourtant, dans son message de nouvel an 2000 par exemple, la gestion calamiteuse des biens, services et affaires de l’État de Guinée avait fait bien dire au feu président Général Lansana CONTÉ ce qui suit : « La course folle à l’enrichissement illicite a conduit nombreux cadres à privilégier leurs intérêts personnels au détriment de l’intérêt supérieur de la nation. Les deniers publics sont pillés et la corruption est devenue un fléau qui ronge le tissu social guinéen. »

À suivre …

Alpha Oumar SY SAVANÉ

Enseignant 

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